Carolina & Alexandre se sont engagés avec Impulso en 2021 et ont réalisé la mission AmLat au Pérou. Durant 6 mois ils ont vécu en immersion chez une famille péruvienne. Tous les deux ingénieurs d’études, le binôme nous partage ses retours sur les modes de vie et l’écologie au Pérou.

LES PÉRUVIENS ET LEUR RAPPORT À L’ENVIRONNMENT

Lorsque l’on arrive au Pérou on est souvent surpris par l’apparente absence totale d’intérêt des habitants pour l’écologie. Et pourtant, l’empreinte écologique en hectare par habitant du Pérou est de 2,1 contre 4,6 en France*. Cela ne s’explique effectivement pas souvent par leur mentalité. En général ce sont des raisons économiques qui motivent les choix de vie et d’achats. Certes on n’y recycle pas le plastique, on met tout dans des sacs jetables et on y consomme de la viande à chaque repas. Pourtant la plupart des réflexes appliqués sont ceux auxquels nous essayons tant bien que mal de revenir en France.

Quelques exemples m’ont marquée, à commencer par une conversation sur l’absence d’eau chaude au robinet. On m’a dit qu’il faisait chaud, ce serait du gâchis d’en avoir. Et pourtant en France on lave la vaisselle à l’eau chaude quelle que soit la période de l’année, comme quoi on pourrait s’en passer (il faut croire que le produit vaisselle en poudre bien plus concentré est plus efficace… et économise probablement bien des emballages).

LES HABITUDES DE CONSOMMATION

Le mot upcycling est complètement inconnu, cela n’empêche pas de réparer les habits lorsqu’ils sont cassés ou troués. Les tongues se détachent ? On rajoute un clou ou on remplace l’anse, même si elles nous avaient couté 10 soles (monnaie locale). Des habits trop grands ? On fait un tour chez la couturière du coin. D’ailleurs si l’on souhaite une robe pour aller à un mariage, c’est la tante qui va aller acheter le tissu (made in Peru) et la fabrique de A à Z. Les rares chaînes d’habits hors de Lima vendent des habits faits au Pérou, mais on n’y va que lorsque l’on a usé jusqu’au dernier fil les habits qu’avaient déjà utilisé les grands frères avant nous.

Encore une fois pour des raison économiques beaucoup de familles ont des portables qu’ils se prêtent et ne remplacent que quand ils ne fonctionnent plus. Rares sont ceux qui ont un ordinateur par personne, et ce sont les deux seuls objets hightechs que l’on utilise.

Dans notre petit foyer à Tarapoto, 100% des produits consommés provenaient de circuit court. Aucun produit importé, tous des terrains agricoles environnants (moyennant la consommation de soda…). Concernant le gaspillage, rares étaient les fois où l’on jetait la nourriture, les restes organiques allaient aux poules, les restes de viande allaient aux chiens. Et évidemment, pas de climatisation.

Les défauts que l’on trouve peuvent être nuancés. Les mototaxis sont les engins les moins efficaces qui soient, néanmoins mieux vaut-il faire un trajet à moto ou à mototaxi, ou seul en voiture ? Le taux d’occupation moyen d’une voiture en France est compris entre 1,1 et 1,2 personnes pour les déplacements pendulaires**. Une voiture consomme certainement plus qu’un mototaxi, surtout qu’un tiers de ces déplacements est de moins de 5km***.

RESPECT DE LA NATURE ET TRADITIONS

Les habitants de la jungle sont très concernés par l’écologie à leur manière, par leur tradition de respect de la nature. Ils ne voient pas directement l’impact que peut avoir la fabrication d’un sac plastique sur la forêt, toutefois beaucoup sont engagés dans la lutte contre le braconnage, les incendies de forêt, pour la reforestation. Certaines zones proches de Tarapoto étaient déforestées il y a quelques années et ont été replantées. Ce sont les premiers témoins des animaux qui disparaissent (on nous parlait souvent des fourmis Mamaco dont le prix avait augmenté car elles avaient été trop consommées et n’étaient plus trouvables près de la ville). C’est une approche plus directe, qui ne touche pas tout le monde mais qui inquiète ceux qui restent proches des traditions Quechua.

Ce sont les plus touchés par les effets du dérèglement climatique qui bouleversent leurs saisons, alors qu’ils ont une très faible part de responsabilité dans ce phénomène. D’ailleurs toutes les pratiques à impact négatif ont été introduites récemment ; ils n’ont pas inventé le coca-cola ni le plastique. Suivre les traditions signifierait aujourd’hui être condamné à la pauvreté. Pour s’enrichir il faudrait exploiter et exporter plus par exemple, ou développer de nouvelles technologies. Ces activités détruisent la forêt en Amazonie, consomment de l’énergie et des ressources.

L’ÉCOLOGIE AU COEUR DE NOS MODES DE VIE EUROPÉENS ?

En Europe nous essayons de fabriquer des voitures moins polluantes, mais nous en avons plusieurs par foyer. Il serait plus écologique de ne pas en avoir et de se déplacer en transports en communs, mais il le serait bien plus de réadapter notre mode de vie de façon à pouvoir s’y rendre à pied ou à vélo. Mais comment ne pas prendre l’avion si une entreprise française est installée aux Etats-Unis ? Ou si notre fils vit au Pérou après avoir rencontré l’amour en y faisant du tourisme ? Le développement que nous avons connu dans le passé impose un mode de vie présent sur lequel il serait difficile de revenir, et peu de gens sont prêts à sacrifier les conforts que nous avons obtenus, comme celui de faire du tourisme.

Voilà pourquoi, bien que la conscience écologique ne soit pas présente de la même manière dans les esprits Péruviens, qui est plus axée sur les effets visibles des actions de l’homme sur l’environnement, il n’en reste pas moins que les contraintes économiques et la proximité avec la nature entraînent une consommation parfois plus raisonnée à laquelle il est difficile de revenir lorsque la croissance qu’a vécu notre pays empêche de revenir en arrière.

Carolina Bouvier, impulseure AmLat au Pérou, promotion 2021.2.

* selon le site Hellocarbo.com
** selon Futura Sciences
** selon l’INSEE