En 2024, le Global Entrepreneurship Monitor révèle que l’Équateur s’affirme comme le pays d’Amérique latine avec le plus grand nombre de nouveaux entrepreneurs. Ce dynamisme entrepreneurial se reflète dans le paysage urbain équatorien, où les grandes enseignes omniprésentes en France laissent place à de nombreuses boutiques indépendantes.
Nos trois premiers mois sur place, nous ont permis de découvrir la réalité de l’entrepreunariat en Équateur dans un pays où le travail formel est réservé aux personnes expérimentées, laissant aux jeunes deux options pour survivre : soit gagner de l’argent par des emplois informels, sans aucune stabilité, soit créer leur propre entreprise.
L’entrepreunariat en Équateur: un choix pour survivre
Entreprendre pour sortir de la précarité
Nos bénéficiaires, Ingrid et Naomi sont diplômées en biotechnologie et se retrouvent confrontées au chômage malgré leurs cinq ans d’études. Déterminées à changer leur situation, elles décident de lancer leur propre entreprise. Après un stage, elles découvrent le Kombucha et choisissent de produire à leur tour cette boisson fermentée. En 2024, elles se lancent donc dans une production artisanale de 108 litres par mois.
Cependant, elles manquent de connaissances en gestion d’entreprise et se tournent vers l’association Impulso pour une formation en marketing. Aujourd’hui, elles doivent surmonter deux défis : obtenir des fonds pour du matériel et accélérer les démarches administratives pour vendre leurs produits. Grâce à l’aide de leurs proches, elles parviennent à financer leur projet et vendent leurs boissons localement.
Entreprendre pour réaliser ses rêves
Après ses études, Belen a travaillé dans l’hôtellerie et fabriquait des vêtements en parallèle. À 27 ans, après son mariage, elle ouvre une boutique à Otavalo en février 2024, non par passion, mais pour générer des revenus stables et financer le lancement de sa propre marque de vêtements. Son travail est exigeant, elle travaille sept jours sur sept, avec l’aide de son mari le week-end. Malgré les nombreuses ventes, elle peine à dégager des bénéfices en raison des faibles marges imposées par la concurrence et des grandes marques comme Coca-Cola. Malgré tout, Belen parvient à épargner 5 $ par jour, espérant ainsi réaliser son rêve de concevoir et vendre des pantalons de sport en ligne. Comme 43 % des entrepreneurs équatoriens, elle a créé son entreprise pour constituer un capital financier, mais pour elle, ce capital est un moyen de concrétiser son rêve.
Entreprendre assurer l’avenir de ses enfants
Nelly et Darwin ont fondé leur entreprise apicole, Es Miel, en 2014, inspirés par l’enfance de Nelly, dont les parents produisaient déjà du miel. Le couple a investi toutes leurs économies pour se lancer pleinement dans l’apiculture. De plus, pour contrer la saisonnalité, ils ont diversifié leur offre avec du vin, des savons et des bougies. Malgré leurs efforts, ils peinent à couvrir leurs dépenses et rembourser leurs emprunts. Nelly travaille dans un restaurant pour soutenir sa famille en attendant leur nouveau projet : une visite touristique apicole. Ce projet sera bientôt présenté à la mairie pour attirer l’attention des locaux et touristes. Comme 41 % des entrepreneurs équatoriens, ils ont créé leur entreprise pour perpétuer une tradition familiale et offrir un avenir meilleur à leurs enfants.
L’entrepreunariat valorisé par l’Etat
Ainsi, pour générer des revenus et survivre, les Équatoriens non expérimentés ont deux options : soit travailler dans des emplois informels, sans aucune stabilité, soit créer leur propre entreprise. Ce n’est donc pas toujours par choix qu’ils deviennent entrepreneurs. L’État encourage cette démarche en multipliant les programmes d’aide aux entrepreneurs, mais il ne met pas suffisamment en garde contre les risques, notamment ceux liés à l’endettement. Il a compris que cette vague d’entrepreneuriat est cruciale pour la croissance et le développement économique du pays. Ses principaux objectifs incluent la diversification de l’économie, la réduction de la dépendance aux secteurs traditionnels tels que le pétrole, ainsi que la promotion de l’inclusion sociale et de l’égalité des chances.
Le risque d’endettement
Certaines entreprises ont également vu dans cette tendance une opportunité de profit, notamment les institutions de microfinance. Celles-ci n’hésitent pas à accorder et multiplier des crédits à taux élevés aux entrepreneurs, même lorsque leur activité ne génère pas de bénéfices. Certains emprunteurs se retrouvent avec plus de 30 000 dollars de dettes, une maison presque hypothéquée, et un commerce qui ne leur rapporte que quelques centimes par mois. Il y a un manque flagrant de sensibilisation aux risques liés à l’endettement, notamment l’engrenage des crédits successifs pour rembourser les précédents.
L’entrepreneuriat offre aux Équatoriens une voie vers un travail formel et une source de revenus, mais le risque d’endettement lié aux microcrédits est très présent, et les campagnes de prévention restent insuffisantes.